• Vlad Dracul

    Dracula, une légende. Mais bien avant la légende, fut le prince Vlad Dracul: son nom demeure une tache infamante, aussi bien en Roumanie que dans les pays limitrophes, car il aurait commis les crimes les plus atroces que l'Histoire ait jamais connus.

    Dracula acquit une gloire bien supérieure à celle que pouvait lui octroyer sa position dans le monde politique de son époque, période particulièrement rude ou résonnait le fracas des armes en permanence. C'est lui qui inventa les " forêts d'empalés " qui longeaient le bord des chemins sur des kilomètres pour accueillir ses ennemis et les étrangers en visite. Les femmes, les enfants et les hommes étaient embrochés par le fondement, et lorsque le pieu ressortait par la bouche ou le sommet du crane, on le mettait en terre, alignés avec les autres...

    C'est ainsi que le redoutable Vlad Dracul sema la terreur et détourna quiconque de l'idée de le trahir ou d'attenter à ses jours.

    Le charisme sulfureux du cruel Dracul continua à se propager bien après que celui-ci eut disparu, grâce aux moines qui traversaient régulièrement l'Europe de part en part. Certains chefs militaires reprirent à leur compte son art de la stratégie, espérant chasser aussi brillamment que lui les Turcs hors des frontières. A partir du XVe siècles, d'horribles histoires commencèrent à circuler concernant les pratiques sanglantes de Dracul. Il faut croire qu'un certain plaisir sadique était également partagé par les populations puisque le succès fut immense: on s'arracha, en effet, les toutes premières éditions. Les avis sont partagés quand à savoir si l'on avait eu à faire à un prodigieux chef militaire qui sut narguer et repousser l'envahisseur ottoman comme personne avant lui, ou à un véritable monstre...

    Le prince Dracula, qui régna sur un territoire correspondant à l'actuelle Roumanie, naquit en 1431. L'Europe s'étendait alors de l'océan Atlantique à la mer noire et à la Baltique. L'église était toute-puissante et la société structurellement féodale, même si les nouvelles formes de pensée de la Renaissance imprégnaient déjà les esprits éclairés. Par leur position géographique, la Transylvanie, et la Roumanie étaient particulièrement exposées aux invasions des infidèles attirés par l'Europe centrale. On peut dire que la Roumanie était comparable à ce qu'est aujourd'hui le Moen-Orient, c'est-à-dire une plaque tournante géopolitique d'où pouvaient naître tous les conflits. Les Turcs étaient des envahisseurs extrêmement destructeurs, brûlant et trucidant tout et tous sur leur passage.

    Mircea le Grand était l'arrière-grand-père de Vlad: politicien réputé et conquérant remarquable, il avait établi ses quartier en Valachie, région bordant le sud de la Transylvanie. Pour éviter de se soumettre aux Turcs, Mircea signa, en 1395, un traité d'alliance avec Sigismond de Luxembourg et prit part à la croisade que celui-ci organisa contre les Ottomans.

    En ce temps-là, on avait l'habitude d'envoyer les fils des familles nobles pendant quelques années chez d'autres princes, afin d'y parfaire leur éducation. Mircea envoya donc Vlad, le père de Vlad Dracul, héritier du trône, à la cour de Sigismond. C'est là que Vlad fut accueilli au sein de l'Ordre du Dragon, ordre germanique de chevalerie fondé par le Saint Empire romain en 1387 et destiné à combattre les Turcs. Comme beaucoup d'ordres religieux et chevaleresques, ses objectifs étaient de protéger le roi et sa famille, de défendre l'empire, la foi catholique, les femmes et les enfants, et bien évidemment de chasser les Ottomans. C'est en 1431, année de naissance de Vlad Dracul, que son père devint chevalier de l'Ordre du Dragon. Lorsqu'il revint au pays, sa cour et ses boyards le surnommèrent " Dracul " , en hommage au prestige que leur prince avait acquis en devant chevalier de l'Ordre du Dragon. Le peuple, ignorant ces subtilités honorifiques et ne remarquant que l'emblème d'un dragon, assimila " Dracul " à " Diable " , le mot roumain Drac signifiant aussi bien le dragon et le diable...

    Aussitôt chevalier de l'ordre, celui-ci prêta serment d'allégeance à l'empereur, ce qui lui valut de recevoir un état-major et d'être reconnu comme prince de Valachie. Mais il n'entra pas immédiatement en possession du trône, alors occupé par son demi-frère Alexandru Aldea. Selon la loi valaque, c'est le fils aîné du prince, qu'il soit légitime ou non qui doit lui succéder. Il dut donc se contenter d'un gouvernement militaire en Transylvanie, avec pour mission de surveiller les régions frontalières. Il s'installa dans la forteresse de Sighisoara, en raison de la position stratégique exceptionnelle qu'elle occupait. C'était une place forte remarquable. Équipée de murailles de pierre et de brique d'une épaisseur peu commune, qui s'étendaient sur une distance de 1 kilomètre, elle venait d'être consolidée pour mieux résister à l'artillerie turque. De plus, elle bénéficiait d'impressionnants donjons intérieurs, chacun étant couronné de quatorze créneaux portant respectivement le nom de la corporation qui en avait financé la construction. C'est ainsi que l'on trouvait la donjon des tailleurs, des joailliers, des orfèvres, etc. L'ensemble de la bâtisse était imprenable.

    Il n'avait qu'un idée en tête: reconquérir ce qui, selon lui, lui revenait de droit, à savoir son trône de Valachie. En 1434, considérant qu'Alexandru entretenait de trop bonnes relations avec les Turcs, Sigismond ordonna à Vlad de rassembler son armée en Transylvanie et d'envahir la Valachie pour son propre compte. Il battit les Turcs en 1436 et entra dans Targoviste, la capitale de Valachie, et il s'empara du pouvoir avec la bénédiction de l'Empereur.

    Les tout premiers princes de Roumanie partageaient avec les Ottomans une certaine " philosophie de harem " ; ils ne faisaient guère de différence entre épouses légitimes et concubines puisque le seul critère de succession était le sang royal paternel. Vlad engendra trois fils illégitime, le deuxième étant Dracula, Vlad Dracul l'Empaleur. Le nom " Dracula " , adopté par Bram Stocker et bien d'autres,est simplement formé du mot " dracul " , auquel on a ajouté le suffixe " a " , signifiant " fils de ".

    Dracula fit ses classes comme apprenti chevalier, et reçu également un enseignement en sciences politiques dont les principes de base étaient d'inspiration " machiavélique ". Cela influença et modela fortement l'esprit du jeune Dracula. L'on rapporte que, dès son plus jeune âge, Dracula avait développé des goûts morbides: il suivait avec fascinations les prisonniers qu'on emmenait jusqu'au donjon des joailliers, où ils étaient pendus. En 1437, Sigismond, roi de Luxembourg et protecteur de la famille Dracula, rendit son âme à Dieu et, du même coup, la Valachie à l'arbitraire des attaques ottomanes. C'est pourquoi Vlad Dracul signa aussitôt un traité d'alliance avec le sultan Murad II de Turquie. Il semblerait même qu'il dût souvent accompagner Murad lors de ses raids en Transylvanie, en se livrant lui-même à la tuerie et au pillage, brûlant tous les villages, ce qui contribua à forger la réputation sanguinaire de la famille Dracula.

    A la mort de son père, le jeune Dracula fut emmené comme captif chez les Turcs, où il servit en tant qu'officier dans l'armée. Durant cette période de sa vie, il eut tout le loisir de se documenter sur les moyens de torture utilisés par les Turcs sur leurs prisonniers de guerre. Mais, en dépit des enseignements qu'il pouvait recevoir, Dracula demeurait prisonnier du sultan, et il rêvait de Valachie, exactement comme en avait rêvé son père. Il décida donc de s'enfuir et de demander protection à l'État voisin de la Valachie, la Moldavie, où il espérait rassembler une armée pour conquérir son trône. Après quelques tentatives infructueuses, ses efforts furent finalement couronnés de succès: Dracula devint prince de Valachie en 1456, à l'age de 25 ans. L'avènement de son règne coïncida avec le passage d'une comète dans le ciel de l'Europe. Dracula y vit la marque bénie de la destinée et les débuts particulièrement prometteurs de son pouvoir: il fit donc graver la comète sur une face de sa monnaie, l'autre arborant l'aigle emblématique de la Valachie.

    Dracula s'établit à Targoviste, qui devint aussitôt la capitale politique, sociale et culturelle de son pays. Son palais était de proportions modestes, dominé par un beffroi d'où l'on pouvait parfaitement surveiller les alentours, notamment les mouvement des armées turques, mais surtout les exécutions qu'il avait ordonnées et qui se tenaient dans la cour, sous ses fenêtres. Les boyards (la noblesse terrienne) formaient traditionnellement le conseil de Valachie, dont le prince lui-même dépendait pour les décisions finales, surtout en matière de justice et d'administrations .De ce fait, ils étaient plus puissants que leur souverain, et c'est pourquoi le trône de Valachie connaissait une grande instabilité, chacun des princes qui défilaient ne parvenant pas à se maintenir en place plus de deux ans. Dracula allait mettre bon ordre à cette situation, en brisant de façon spectaculaire la puissance et l'arrogance des boyards, et en centralisant son gouvernement. Ce faisant, il assouvissait une également une vengeance: c'était ces mêmes boyards qui avaient éliminés un de ses frères en le brûlant vif...

    Les plus anciennes chroniques roumaines relatent ainsi les événements survenus au printemps 1457:

    Il découvrit que les boyards de Targoviste avaient brûlé vif un de ses frères. Pour en savoir d'avantage, il fit exhumer son frère, qu'on trouva gisant face contre terre. Aussi, le jour de Pâques, alors que tout le monde festoyait et dansait, il les fit encercler... et les mena, avec femmes et enfants, tous vêtus de leurs habits de fête, à Poenari, où ils furent mis aux travaux forcés jusqu'à ce que leurs vêtements tombassent en lambeaux et qu'ils apparussent nus.

    Dracula ordonna de crier par tout le pays que les vieillards impotents, les malades, les estropiés, les pouilleux, les aveugles et les vagabonds étaient tous conviés à un grand festin offert par le prince à Targoviste. Le jour dit, la ville se mit à grouiller de tout ce que le royaume pouvait contenir de gueux, de pauvres et de bancals. On crut étouffer sous le nombre. Les serviteurs du prince distribuèrent des habits neufs à chacun, puis conduisirent tout ce petit monde dans une grande maison où des tables avaient été dressées. Les mendiants s'émerveillèrent de tant de générosité et disaient entre eux: " Le prince a du être touché par quelque grâce. " S'étant attablés, que croyez-vous qu'ils virent devant eux? Un repas royal, avec des vins fins et des viandes succulentes qui laissent la panse repue et la tête lourde. La somptuosité de ce banquet devint légendaire. Tous bâfrèrent et burent plus que de raison. La plupart étaient ivres morts et ne pouvaient articuler un mot intelligible lorsque, soudain, des flammes et de la fumée s'élevèrent de toutes parts. Le prince avait donné l'ordre d'incendier la maison. Les mendiants se ruèrent alors sur les portes, mais elle étaient verrouillées. Les flammes progressaient comme des dragons flamboyants, les dévorant au milieu des cris, des hurlements et des gémissements d'agonie. Les supplications n'eurent aucun effet, le feu continua à tous les engloutir. Ils tombaient les uns sur les autres, ils s'étreignaient désespérément, appelaient à l'aide, mais nulle oreille humaine ne pouvait les entendre. Ils se tordaient dans les pires tourments. Le feu en étouffa certains, en réduisit d'autres en cendres, mais grilla le plus grand nombre d'entre eux. Quand l'incendie prit fin, il ne restait plus âme qui vive au milieu des ruines.

    Voici ce que ce que nous rapporte un manuscrit russe de l'ambassadeur Kouritsine:

    ...un été et sur son ordre péremptoire, on dressait la table de Vlad Drakul et on lui servait son repas au milieu des cadavres empalés. Émule d'Assurbanipal, il lui était agréable disait-il, de manger et de boire parmi ceux qu'il délivrait quotidiennement du fardeau de la vie. Un jour, l'un de ses échansons, qui ne supportait pas l'odeur des corps en décomposition, se boucha le nez et se détourna. Mal lui en prit. Le maître lui demanda la raison d'un tel geste. " C'est que, bredouilla l'autre, je ne supporte pas la puanteur. " Dracula fit dresser un pieu deux fois plus élevé que les autres et ordonna qu'on y empalât l'échanson. " Ce pieu, dit-il, t'élèvera au-dessus de ce bas monde et de la sorte, l'odeur ne t'atteindra point. "

    La terreur qu'inspirait la menace


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :